De mémoires d'ouvriers / Cinema
De mémoires d'ouvriers, un film de Gilles Perret (sortie mars 2011). De la naissance de l'électrométallurgie, en passant par les grands travaux des Alpes et la mutation de l'industrie, jusqu'au déploiement de l'industrie touristique, c'est l'histoire ouvrière en général que racontent les hommes rencontrés par Gilles Perret. Dignes et lucides, ils se souviennent de ce qu'ils furent et témoignent de ce qu'ils sont devenus. C'est une véritable page d'histoire sociale!
De l'évocation de la fusillade de Cluses (1904) où les patrons tirèrent sur les ouvriers grévistes au témoignage d'un ouvrier d'aujourd'hui à l'usine de La Bâthie, le film de Gilles Perret, utilisant les images d'archives de la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain, construit la mémoire des ouvriers des montagnes de Savoie. Il fait vivre ses interlocuteurs d'aujourd'hui (ouvriers de la métallurgie, ouvriers-paysans en retraite, prêtre-ouvrier, ouvriers du bâtiment, syndicalistes, cadres d'entreprise, historiens) par la saveur, l'émotion, le naturel de leur parole qu'il intègre à l'espace et aux gestes de leur vie.
Il confronte avec sympathie leurs souvenirs avec des images d'archives qui restituent la vie ordinaire des ouvriers d'autrefois, à l'usine, au chantier, à la campagne, une vie qui n'est pas dite par des mots. En passant de l'activité industrielle suivie par les grands travaux des Alpes, puis par la construction des stations de ski qui voit l'économie de service supplanter l'économie de production, c'est aussi l'histoire économique du dernier siècle qui est racontée. Sur fond de rapports sociaux plus ou moins favorables à la classe ouvrière, ce sont des hommes droits et lucides qui expriment leurs souvenirs.
Au-delà du seul territoire savoyard, le film atteste sans nostalgie de la mutation d'un monde ouvrier qu'on ne voit plus, menacé de disparition par la logique économique de la mondialisation. Il interroge une histoire en train de se faire, celle des oubliés de l'histoire, rendant dignité à des visages anonymes, à des gestes perdus, à des convictions incarnées. C'est si vrai, la puissance d'illusion du cinéma est si forte que l'émotion est au coeur du film.
En savoir plus Partager :