Pierre Bonnefous / Cinema
Pierre Bonnefous n'est pas un paysan, c'est un petit curé à lunette prompt à s'émouvoir, avec un bel accent aveyronnais. Au moment du conflit, il a 30 ans. Il n'est pas affecté à une paroisse particulière, mais aumônier du mouvement Chrétiens dans le Monde Rural, ce qui lui donne l'opportunité de circuler sur le plateau où il anime plusieurs équipes de réflexion.
Pierre Bonnefous deviendra un des personnages clefs de la lutte pour plusieurs raisons. D'abord, nous sommes en pays très catholique et les paysans révoltés sont ses ouailles, qu'il a vocation à visiter souvent et qui respectent sa fonction. La seconde raison, c'est qu'il prend fait et cause pour eux dès l'annonce de l'extension et qu'il a pour cela les encouragements de l'évêque de Rodez : 'Je te soutiens, petit' lui dit-il quand il le rencontre. La caution de l'église, donc. Et Pierre connaît bien son monde : 'Le paysan aveyronnais est quelqu'un qui est attaché à la terre, ça fait partie de lui-même. Un peu comme les Kanaks ou les Indiens. On ne pique pas la terre comme ça, c'est une amputation. Et d'ailleurs il y a deux raisons dans l'Aveyron, qui font que les gens vont en prison, c'est pour la chasse ou pour de la terre. C'est très lié, d'ailleurs, on est prêt à tirer un coup de fusil sur quelqu'un qui veut vous prendre votre terre'.
En plus de sa participation à la plupart des manifestations importantes, Pierre Bonnefous va passer son temps, quand un problème surgira, à courir les bergeries et les salles de traite pour arrondir les angles, apaiser les fâcheries et réconcilier ceux qui ne veulent plus se parler. Rien ne le prédestinait pourtant à cette tâche militante. Quatrième de 10 enfants, il est d'origine paysanne et d'un milieu où l'on ne se pose pas de questions.
Après 2 ans de séminaire 'très dans la norme', il part faire son service en Algérie, sans arrière-pensée ni esprit critique - on ne touche pas à l'armée - mais ce qu'il voit là -bas secoue ses certitudes. Il faudra cependant mai 68, qu'il vit au contact des jeunes, pour que la remise en cause de l'ordre établi fasse partie de sa réflexion. Il voit dans la lutte du Larzac 'un Mai 68 qui se prolongeait à la campagne après avoir été foutu dehors de la ville. On avait soulevé tellement de choses intéressantes en mai 68 qu'on voulait voir si on ne pouvait pas les re-vérifier ici. Et puis une vie un peu plus équilibrée, je ne sais pas... une autre vie politique... Il y a un côté grandiose, ici, avec des paysages, des brebis, des paysans, du rêve, quoi !'